
Le Retour sur Investissement (ROI) de l’Architecture d’Entreprise (AE)
vhanniet - 2022/03/03Vous plaisantez ?
La vie est toujours plus étonnante que la fiction quand il s’agit d’imagination. Récemment un Client potentiel m’a demandé de démontrer le ROI associé au fait de réintroduire l’architecture d’entreprise dans ses pratiques.
Client a eu des Architectes par le passé, et s’en est débarrassé au moment où il a choisi une grande solution ERP comme ossature de son Système d’Information (SI). Ça faisait sens d’un certaine façon : puisque le SI était organisé de fait autour des capacités de l’ERP à quoi bon disposer d’Architectes d’Entreprise ? On peut même aller jusqu’à considérer que les Architectes d’Entreprise de Client étaient finalement ceux de l’éditeur de l’ERP.
Une entreprise sans Architectes d’Entreprise met en place de facto une AE par défaut. Cette AE par défaut est donc ici guidée par la stratégie de l’éditeur de l’ERP. Ça peut marcher, et ça a marché dans ce cas précis, tant que la stratégie de l’entreprise est fondée sur l’excellence opérationnelle de l’implémentation de services courants. Ce qui sous entend que l’avantage compétitif de l’entreprise est basé sur l’optimisation des coûts à outrance et la productivité opérationnelle. Plus éventuellement une ou deux réelles innovations business gérées en mode silo en dehors de l’ERP.
Client a récemment élaboré un schéma directeur et conclu que l’ERP était un goulot d’étranglement gênant pour déployer de nouvelles lignes business et pour les enablers IT nécessaires. Il en ont conclu qu’il allait falloir contourner l’ERP dans beaucoup de domaines stratégiques du SI. Mais ils n’ont plus d’Architectes d’Entreprise ! Et les responsables de domaine ont maintenant une longue habitude de faire eux même leur Architecture en fonction de leurs propres besoins, et n’ont pas envie de modifier leur pratique. D’où la question du ROI de l’AE, pour avoir une chance de trouver un haut niveau de sponsorship afin de contrer cette résistance opérationnelle au changement.
Ma réponse n’a pas été strictement « Vous plaisantez ? » mais ça transpirait trop : j’ai perdu l’affaire.
Jeopardy
Think big. J’ai essayé de pousser quelques idées mais sans succès.
La première : de nos jours le SI est au coeur de l’implémentation opérationnelle de toute stratégie business. Est-il imaginable d’obtenir de réels gains stratégiques si personne ne guide l’Architecture du SI ? La réponse fut : « Jusqu’à maintenant nous n’avons plus d’Architectes et tout se passe bien. Cet argument ne prouve pas la valeur de l’AE ». Objectivement, puisque Client s’apprête à changer d’approche cette réponse n’est pas pertinente… mais le client est roi, je ne peux pas le dire comme ça.
Le second argument concernait le fait d’avoir bénéficié jusque là de la vision AE de l’éditeur de l’ERP. Les Architectes qui guident l’évolution de l’ERP devraient être remplacés puisque l’usage de l’ERP va être réduit aux commodités non stratégiques. Même réponse : les responsables de domaine ne voudront pas laisser des Architectes s’immiscer dans leurs affaires.
Troisième argument : laissez moi parler avec des membres du Comité de Direction, je suis sûr qu’ils connaissent la valeur de l’AE et qu’ils vont appuyer la nécessité de disposer à nouveau d’Architectes d’Entreprise. Pas de réponse. Peut-être que mes interlocuteurs on t essayé cette approche sans succès. Ou plus probablement n’osent pas faire sans démarche sans disposer de chiffres.
Et la lumière fut. Jeopardy. De quoi AE est la réponse ? Pourquoi voulez réintroduire l’AE ? Ce n’est pas une blague quand on y pense : vous voulez de l’Architecture d’Entreprise mais pour faire quoi ?
D’où vient l’idée que l’AE coûte si cher ?
Plus quelque chose est abstrait, plus il est difficile d’y associer des gains spécifiques. Donc la part « Retour » du ROI de l’AE est à coup sûr relativement indémontrable. On peut probablement calculer grossièrement le « Retour » du déploiement de la nouvelle stratégie business de Client, en se basant sur une période de temps. Mais il est difficile d’isoler la part due à une bonne approche Architectural au niveau de l’entreprise. Même avec une mauvaise, ou par défaut, approche AE on peut quand même obtenir des gains. Et le fait que ces gains auraient été meilleurs avec une meilleure approche maîtrisée de l’AE ne sera probablement jamais analysé.
Il est facile de calculer les coûts (ça paraît facile et ça ne l’est pas forcément mais prenons le comme facile). Quels sont les coûts de l’Architecture d’Entreprise ? Principalement les coûts associés au temps de travail : travaux d’architecture, comitologie d’architecture, gouvernance d’architecture, support et évangélisation d’architecture. Et on peut éventuellement ajouter des coûts d’outillage. Et aussi le coût indirect qui serait d’ajouter du temps de cycle dans le time to market ce qui pourrait être vu comme un décalage associé aux revenus (on pourrait dire la même chose pour les travaux liés à sécurité).
Une grande partie de ces coûts existe aussi dans l’architecture par défaut ! Personne ne peut construire un Système d’Information sans prendre des décisions d’Architecture. La question est : est-ce qu’on veut organiser ces décisions d’une manière contrôlée ? ou bien veut-on laisser à chacun le choix quand il y a un chois à faire ? en prenant en compte, ou pas, les décisions d’architecture prises ailleurs. Dans l’approche « par défaut » les coûts de l’AE ne seront jamais calculés donc on ne peut pas comparer…
Le malentendu à propos de l’Architecture d’Entreprise
Le plus grand malentendu à propos de l’AE est certainement de croire que les Architectes doivent se charger de tout le travail d’Architecture. Et qu’ils sont les seuls à pouvoir l’utiliser pour dire « la vérité » parce que l’Architecture c’est compliqué.
Cette situation est bien connue : le syndrome de la Tour d’Ivoire. Dans cette situation, les Architectes travaillent ensemble et produise de la documentation d’architecture qui n’est utilisable et utilisée que par les Architectes. Le cas échéant ils produisent des éléments d’analyse d’impact vis à vis d’un transformation envisagée : les 20% qui coûtent 80%, quand les 80% qui coûtent 20% sont suffisant pour tout non architecte. Et tous ces artefacts d’Architecture doivent être alignés fréquemment avec le monde réel. Avec des outils coûteux.
On ne veut pas retomber dans ces travers. Ça se comprend. Ce « puits sans fond » de coûts est la principale cause de la défiance envers l’Architecture, et donc envers l’Architecture d’Entreprise.
How to make EA great again?
Essayons d’avoir 80% des bénéfices de l’AE avec seulement 20% des coûts de la « big picture » Architecture d’Entreprise.
L’idée c’est de reprendre le contrôle sur les décisions d’Architecture à un niveau stratégique et organisationnel. Et d’éviter de laisser ces décisions se prendre à un niveau très local.
Avant d’engager une transformation stratégique majeure c’est toujours une bonne idée d’expliquer ce qu’on veut, pourquoi on le veut, comment on compte faire, etc. Comment l’Architecture d’Entreprise peut prendre part à l’élaboration de cette vision ?
Illustrons ce que ça donnerait avec la méthode 5W2H (par exemple) :
- What? : qu’est-ce qui va changer dans l’organisation (Architecture) du SI ?
- Why? : qu’est-ce qui nécessite qu’on doive changer l’Architecture du SI ?
- Where? : quels domaines du SI sont concernés ?
- When? : dispose-t-on d’une roadmap de la transformation du SI ?
- Who? : quelles équipes de build vont implémenter le changement ? comment avoir une correspondance claire entre les équipes de build et les building blocks du SI ?
- How? : y a-t-il des enablers IT à mettre en place pour faciliter le changement ?
- How much? : quels sont les coûts associés à la réduction de la dette architecturale ? quels coûts de build pour la nouvelles capacités SI ?
Oui, c’est très similaire à Phase A: Architecture Vision in TOGAF’s ADM. Similaire mais pas identique.
L’idée ici est : partageons la vision d’Architecture avec toutes les parties prenantes, de la même façon qu’on le fait avec la vision business et la vision des produits du SI. L’Architecture d’Entreprise est la glue entre les besoins métier et les produits SI qui opèrent le business.
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